Apposition
1.
Les données du problème
Le terme d'apposition peut être source de confusion. A l'origine, c'est exclusivement une fonction du nom, et particulièrement dans la grammaire latine la fonction d'un nom accolé àun autre nom de même cas et désignant le même référent, urbs Roma, rex Ancus. Les deux traductions possibles de tels groupes (la ville de Paris, le roi Louis) ont amené à appliquer la notion aussi bien à des constructions prépositionnelles qu'à des constructions détachées, alors que le premier type de construction n'a aucune spécificité en français. L'application de la notion d'apposition à l'adjectif qualificatif détaché (adjectif apposé) augmente encore le désordre terminologique.
Grammaire méthodique du français, Riegel, Pellat, Rioul, PUF, 1994
2.
Les différentes formes de l'apposition
2.1.
Dans un même groupe nominal: "apposition" liée directe ou indirecte
Jusqu'à la nomenclature de 1997, on donnait de l'apposition une définition dépendant de la notion de co-référence: le fait que deux expressions référentielles différentes désignent le même référent. Dans ce cadre, l'apposition était réservée au GN. On distinguait ainsi l'apposition détachée (les deux GN sont séparés par une pause, notée par la virgule) et l'apposition liée, qui peut être directe (l'acteur Gérard Depardieu, la note do) ou indirecte (la ville de Paris). Symétriquement, la fonction épithète était réservée à l'adjectif, elle pouvait elle aussi être "liée" (Le héros blessé est accueilli) ou "détachée" (Le héros, blessé, est accueilli).
Le défaut de cette terminologie est de présenter comme deux fonctions différentes (épithète détachée et apposition), sur un critère sémantico-référentiel, deux relations identiques au plan syntaxique. Ainsi analysait-on Pierre, content, chantonnait, comme "épithète détachée", mais Pierre, le fils de Paul, chantonnait, comme "apposition détachée". Or les critères de désignation des fonctions sont d'abord syntaxiques: on n'utilise pas deux termes différents pour décrire la fonction post-verbale dans Pierre est content et dans Pierre est le fils de Paul (attribut du sujet dans les deux cas), bien qu'au plan référentiel, les deux "attributs" soient différents (l'un "caractérise" le sujet; l'autre est co-référentiel du sujet).
Les notions grammaticales, D. Maingueneau, E. Pellet, 2005, éd. Belin
2.2.
L'apposition détachée
Depuis le réforme des programmes et la nouvelle nomenclature, le choix a été fait de ne retenir pour l'appellation "apposition" que le critère syntaxique, celui du détachement, indépendamment du rapport de sens entre l'apposition et son support.
L'apposition est désormais définie comme une construction détachée, elle ne peut donc être liée; tandis que l'épithète est définie comme une construction liée et ne peut donc être détachée. Le critère sémantique (co-référence) n'intervient plus dans la désignation de la fonction: on peut ainsi avoir une apposition caractérisante (Pierre, content de lui...), une apposition co-référentielle (Pierre, le fils de Paul...), une épithète caractérisante (Un peintre célèbre), une épithète co-référentielle (Le peintre Picasso). Les anciennes "appositions liées" sont désormais désignées comme des "épithètes nominales". Quand aux constructions du type la ville de Paris, elles s'anaysent dès lors comme des "épithètes nominales en construction indirecte", qu'il ne faut toujours pas confondre avec la ville de mes ancètres, complément du nom.
Tandis que dans l'ancienne nomanclature, on pouvait intégrer l'apposition liée (interne au GN) parmi les expansions du nom; dans la nouvelle nomenclature, toute apposition est externe au GN.
Les notions grammaticales, D. Maingueneau, E.
3.
La rupture énonciative
Si les appositions détachées permettent de placer dans la même phrase deux GN qui ont le même référent, c'est que ces deux GN ne se trouvent pas réellement sur le même plan. Ainsi une phrase apposée peut-elle demeurer assertive alors même que l'énoncé est interrogatif:
Paul, qui voulait partir aussi, a-t-il renoncé ?
Or, normalement, les subordonnées n'ont pas sur ce point d'autonomie énonciative. Force est de constater ici une hétérogénéité énonciative de la phrase. Les sémanticiens y verraient une présupposition, soustraite à l'influence de la négation comme de l'interrogation.
Précis de grammaire pour les concours, D. Maingueneau, Nathan, 2001 (troisième édition)